Le Cerema : un établissement public d’État, au service de la transition écologique et sociale, au plus près des territoires.
Le Cerema est né il y a six ans. Il est issu du regroupement de onze services techniques dont l’origine remonte jusqu’à 1955 pour certains, avec notamment la mise en œuvre du réseau autoroutier français, la création du SETRA et la création des laboratoires des ponts et chaussées.
Sur ce socle solide, notre établissement public d’Etat se revendique comme intégrateur des projets des territoires, doté d’un esprit de missions au service du ministère de la Transition écologique et au ministère de la Cohésion des territoires ; mais aussi des collectivités locales et des entreprises. Depuis le 7 février 2020, notre établissement est labellisé Institut Carnot « Clim’adapt », label qui renforce notre positionnement en tant qu’acteur incontournable de la recherche partenariale et de l’innovation.
La résilience territoriale : ou l’art difficile de conjuguer les projets des territoires, au futur propre.
La revue Alters Média porte dans son acronyme le nom « résilience », qui tend progressivement à caractériser à lui seul l’ensemble des actions à conduire pour lutter contre les irréversibilités environnementales et climatiques, qui mettent en péril notre propre survie.
Le Cerema s’est pleinement approprié la résilience, qui n’était au départ qu’un concept, mais qui permet à présent de définir une stratégie globale et un plan d’actions intégré, qui anticipent les vulnérabilités qui s’annoncent du fait d’un développement aujourd’hui non durable. La résilience s’apparente à la fois à une stratégie de réaction et d’anticipation.
Le Cerema s’est pleinement approprié la résilience, qui permet de définir une stratégie globale et un plan d’actions intégré.
Je fais mienne une définition produite en 2014 par Clara Villar (Cerema) et par Michel David (MEDDE / CGDD) qui indiquaient : « la résilience invite à une mise en mouvement, une recherche perpétuelle d’équilibre dynamique entre des caractéristiques paradoxales et des processus contraires : court terme et temps long, échelle locale et mondialisation, redondance et efficacité, sur-mesure et prêt-à-porter, autonomie et dépendance… ». C’est bien là l’enjeu pour nos sociétés.
Pour le Cerema, nos 2 500 agents ont pour mission d’accompagner les territoires et leurs représentants dans la mise en œuvre des mesures qui doivent concilier des visions d’aménagement multiples, parce qu’elles répondent notamment à des enjeux temporels différents.
Ce difficile exercice de prospective et de stratégie doit conduire à bâtir un projet d’avenir qui fasse la balance entre, d’une part, la perpétuation d’un modèle économique classique, qui s’avère non pérenne à brève ou moyenne échéance, et, d’autre part, un scénario de développement vraiment durable aux bénéfices économiques parfois incertains, du moins tant que perdurera le fait que la recherche du moins disant environnemental, social ou sanitaire sera perçue comme plus compétitive qu’un développement économique respectueux de la nature et des hommes.
L’un comme l’autre de ces modèles de développement font l’objet d’a priori idéologiques, d’intérêts contradictoires, de paris sur un avenir aléatoire. Ce qui rend notre tâche plus difficile, surtout lorsqu’elle incombe à un établissement public comme le Cerema. Structure qui se doit d’être non partisane.
Existe-t-il une alternative sérieuse au triptyque globalisation/métropolisation/ spécialisation des territoires ?
Les territoires sont depuis toujours en prise directe avec les réseaux de circulation, qu’il s’agisse des flux de personnes, de marchandises, de capitaux. La globalisation récente n’a fait qu’accélérer et amplifier ce phénomène, par la recherche systématique de l’offre la plus efficiente, à moindre coût.
Ses fondements modernes s’inspirent des travaux de Ricardo, dans sa théorie des avantages comparatifs. Elle a conduit nos Etats et les acteurs privés à développer une spécialisation fonctionnelle de nos territoires, qui répond parfaitement à la logique économique et technique de la globalisation. Cette organisation concentre tous les facteurs de puissance économique, culturel et politique. Elle recèle une puissance symbolique très prégnante.
De fait, la métropolisation a amélioré la qualité de vie des nouvelles populations urbaines mondiales ; contrairement aux populations rurales qui s’appauvrissent tendanciellement à l’échelle internationale et nationale. Cette approche est perçue comme la seule capable de loger 3 milliards d’urbains en plus dans les quarante ans à venir, en construisant des grandes villes à marche forcée !
La pandémie libère les esprits, qui sont plus réceptifs à l’idée de construire la ville durable, inclusive, et non nécessairement métropolitaine.
Ce modèle dominant semblait difficilement substituable jusqu’il y a peu. Mais les conséquences de la pandémie de Coronavirus semblent bousculer des certitudes. Elle libère les esprits, qui sont plus réceptifs à l’idée de construire la ville durable, inclusive, et non nécessairement métropolitaine. L’attrait croissant des français pour la ville moyenne en est une illustration parfaite.
Peut-on construire une politique territoriale, qui s’inscrive pleinement dans la transition écologique et solidaire ?
Ne pas répondre aux aspirations de la globalisation, ne pas mettre en œuvre les règles territoriales d’organisation qui vont avec ce modèle : n’est-ce pas risquer de tout perdre ?
A contrario, poursuivre dans cette direction, c’est préempter l’avenir des territoires qui s’y adonnent ! Mais comment arrêter un modèle de développement qui produira l’ensemble de ses effets négatifs dans les décennies à venir, du fait de l’inertie des systèmes naturels en particulier ?
Que valent les conditions climatiques de 2050 face aux contraintes et menaces qui pèsent sur la croissance économique actuelle ? Quelle fonction d’exemplarité pour la France, qui est responsable de moins de 1 % des émissions de GES de la planète ? Le débat sur le contenu du plan de relance post-Covid témoigne de la difficulté de ménager simultanément les deux approches. Mais il apparaît difficile de faire autrement ; car s’il ne faut pas insulter l’avenir, il ne faut pas non plus mépriser le présent !
Dans le contexte de la 3e phase de décentralisation, le Cerema et plus généralement toutes les structures publiques se doivent d’être des garants, pour le compte de l’Etat, de l’égalité républicaine et de l’équité territoriale. Nous nous devons, en particulier, de proposer aux territoires d’engager une stratégie sans regret, qui invite à faire tout de suite ce qui est durablement bon pour eux, pour aujourd’hui, comme pour demain.
Dans une approche transitoire, on peut imaginer qu’il soit pertinent d’articuler les deux approches. Mais le vrai enjeu serait de tracer le chemin pour passer rapidement d’un modèle à l’autre et refuser le statu quo, sauf à considérer que la globalisation en l’état va trouver les énergies (au sens propre et figuré du terme) pour ne plus attenter au fonctionnement de notre écosystème, dont nous dépendons, malgré tout.
Le Cerema a pour ambition de devenir un intégrateur des projets territoriaux, démarche construite à partir de diagnostics territoriaux globaux
Proposer une stratégie territoriale impose de conduire un diagnostic global des territoires. Nous avons pleinement conscience qu’aucun système prévisionnel ne peut dire de quoi demain sera fait. Il peut par contre présenter les tendances et voir si elles sont compatibles avec les ressources disponibles (humaines, naturelles, les minerais, l’eau, etc.) dans l’espace et dans le temps ; « Toutes choses égales par ailleurs ! », comme disent les économistes.
Le Cerema propose de bâtir ces stratégies à travers des approches co-construites avec les acteurs du territoire, ce qui correspond à une demande de plus en plus forte des exécutifs locaux. Notre démarche s’appuie notamment sur « la boussole de la résilience », qui permet d’intégrer les expertises d’usages, mais aussi de produire un processus dynamique et partagé de résilience du « système », quel que soit le type de chocs ou de perturbations étudié. Cette boussole fera l’objet d’une publication dans un Cahier du Cerema dès cet automne.
Bâtir ces stratégies à travers des approches co-construites avec les acteurs du territoire, qui [s’appuient] notamment sur « la boussole de la résilience ».
Parallèlement, mais les approches ont vocation à se mutualiser, le Cerema ambitionne de mettre à profit les possibilités qu’offrent les modèles numériques, qui intègrent des milliards de données, pour reconstituer la réalité complexe et protéiforme de la vie d’un territoire. Perspective à présent atteignable du fait de la puissance de calcul à notre disposition et de notre capacité à construire de algorithmes complexes.
Ces modèles, qui reconstitueront un écosystème territorial intégral, aideront en amont les décideurs à prendre les décisions les plus efficientes ; pour assurer la conduite de la transition climatique et écologique. Dans un futur proche, il deviendra possible de déterminer – à service égal rendu au territoire – le coût économique marginal d’aménagement d’une métropole comparé au renforcement des réseaux de moyennes et petites villes, par exemple.
Dans le cadre de nos programmes de recherche, nous envisageons de creuser la notion « d’optimum territorial », nécessairement différent pour chaque territoire. Seuil au-delà duquel un projet urbain, public ou privé, peut coûter, in fine, plus cher au territoire qu’il ne rapporterait. Parce qu’il dépasse l’utilisation optimale des infrastructures existantes et impose d’en construire de nouvelles. Sujet sensible, qui interrogera, dès lors, la liberté d’entreprendre et d’installation.
Le Cerema entend agir en mode projet, en mobilisant ses moyens en recherche et la diversité de ses expertises.
Les experts du Cerema n’entendent cependant pas rester campés sur leurs technicités et certitudes. Ils sont à l’affut de signaux faibles des innovations technologiques ou organisationnelles. Ils analysent les expérimentations réussies pour les mutualiser et les diffuser à travers nos activités de formation. Ainsi, nous observons notamment les avancées constatées sur le bio-mimétisme, le low tech, la slow mobility, ou bien encore la redécouverte des terroirs et de leur autosuffisance minimale.
Il nous faudra également analyser les enjeux de sécurité globale des territoires, paradigme dominant à l’échelle mondiale. Il nous faudra intégrer la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, articulées aux orientations stratégiques des territoires… Approches qui peuvent ensuite être consolidées à travers notre activité de certification.
Vous l’aurez compris, le Cerema entend être un établissement lui-même résilient, qui s’adapte constamment aux évolutions de notre société, afin de rendre plus efficace nos missions en qualité d’intégrateurs territoriaux, en mettant en avant notre fonction d’ensemblier technique, dans le cadre d’un projet de territoire, au service de l’État et de la Nation.
Pascal Berteaud
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