Des nouvelles en provenance du marché du gaz : l’Égypte versus l’Iran

Gaz
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Le marché du gaz naturel est structuré par des transactions de court terme (soit de type spot, soit des contrats à terme ou futures) et par des contrats d’approvisionnement à long terme, d’une durée de dix, vingt ou trente ans. Il est organisé autour de plusieurs pôles (extraction, usines de liquéfaction, transport, stockage, terminaux méthaniers, réseaux de gazoducs…) et autour des principaux pays producteurs (qui sont le plus souvent également des producteurs de pétrole). Or, la structure de ce marché risque d’être modifié sous l’impact de deux facteurs récents : l’ouverture du marché iranien – dont les contours restent, pourtant, incertains avec le retrait américain de l’« accord iranien » – et la découverte du gisement Zohr au large des côtes égyptiennes. Le positionnement énergétique et stratégique de l’Iran et de l’Égypte se renforce face aux géants du secteur (États-Unis (premier producteur du pétrole et du gaz naturel dans le monde), Russie, Qatar, Algérie, Nigeria, Norvège…). Ces deux pays sont en train de devenir (ou de redevenir) des acteurs qui comptent en termes de production et d’exportation d’hydrocarbures. On s’attend également à un renforcement des relations commerciales et diplomatiques avec leurs partenaires régionaux.

Le gisement Zohr

L’Egypte est un pays sous pression depuis qu’en 2013, le président Morsi a été déposé et les Frères ont été chassés à la suite de grandes manifestations. L’armée est revenue sur le devant de la scène alors que l’on pouvait penser qu’elle était trop discréditée pour pouvoir imposer une solution politique.

Le pays connait un tarissement des entrées des recettes en devises notamment du fait de la chute de la fréquentation touristique. Dans ce contexte, la découverte en 2015 par l’italien ENI (Ente Nazionale Idrocarburi)1 dans la concession de Shorouk (détenue à 100 % par la compagnie italienne) du gisement off-shore Zohr situé au large des côtes égyptiennes (à près de 170 km) est une chance pour l’Égypte qui était jusqu’alors obligée d’importer du gaz d’Algérie et de Russie pour répondre à l’augmentation de sa demande interne. Cette découverte majeure devra faciliter la mise en œuvre des réformes et consolider la position du gouvernement en place présidé par le maréchal Abdel Al-Sissi.

La production a débuté fin 2017 et devra atteindre 1,75 milliard de mètres cubes au mois d’août 2018, 2 milliards à la fin de l’année et 2,7 milliards en 2019. Du coup, les grandes multinationales du secteur (le français Total, le russe Gazprom, l’anglo-néerlandais Shell ou l’australien Woodside Petroleum) s’intéressent de près à l’évolution du secteur énergétique égyptien.

Le retour de l’Iran : de l’espoir à incertitude

Pays riche en gaz (gisements off-shore) et en pétrole, située sur la rive Nord du golfe Arabo-Persique (partageant ses frontières terrestres avec plusieurs pays dont la Turquie, l’Afghanistan, le Pakistan, le Turkmenistan), l’Iran (pays membre de l’OPEP) a affiché de grandes ambitions internationales du fait de la signature en avril 2015 d’un accord sur le nucléaire et la levée progressive des sanctions internationales. Pourtant, l’avenir de ce processus reste incertain avec l’annonce par Donald Trump, le 8 mai 2018, de sa décision de se retirer de l’accord avec l’Iran : soit un nouvel accord sera rapidement négocié par les protagonistes – Washington n’exclut pas l’option d’un nouveau deal – soit les Américains réintroduiront leur toile de sanctions et imposeront ce régime sur leurs alliés du « monde libre » par les mécanismes extraterritoriaux. Ainsi, Total pourra être forcé d’abandonner l’accord pour développer, avec l’opérateur national iranien National Iranian Oil Company (NIOC), une nouvelle zone du champ gazier de South Pars (Perse du Sud, dans le golfe Persique, à cheval entre l’Iran et le Qatar2), le champ gazier le plus grand du monde (d’une capacité totale, pour l’Iran, de près de 13 000 milliards de mètres cubes, soit un peu plus d’un tiers des réserves totales du pays).

Fort des deuxièmes réserves de gaz au monde (derrière la Russie et devant le Qatar) et parmi les tous premiers producteurs de gaz naturel, l’Iran dispose potentiellement d’une manne financière considérable, dont il pourrait faire le fer de lance de son action extérieure. L’enjeu pour l’Iran est de moderniser sa production, de redevenir un pays exportateur de gaz naturel de premier plan (alors que son niveau d’exportation actuel est limité à 8,9 milliards de mètres cubes vers la Turquie, ou 1,2 % des exportations mondiales) et de contester le leadership gazier du Qatar au Moyen-Orient. Sous l’accord de 2015 ceci ne devait pas empêcher l’Iran de développer son secteur nucléaire non-militaire et de l’utiliser comme source complémentaire d’énergie.

Le gaz doit être considéré comme le combustible fossile d’avenir compte tenu des réserves mondiales abondantes (mais non renouvelables) et des avantages que cette énergie présente en termes de limitation des gaz à effet de serre. Le nouveau positionnement l’Égypte et de l’Iran, qui, pourtant, reste incertain, sur ce marché participe à cette logique d’ensemble d’intensification des efforts de prospection et d’augmentation de la production. Ceci renforce le rôle du Moyen-Orient qui restera au cœur des industries gazières et pétrolières encore pendant plusieurs décennies.3

Jean-Claude Fontanive

Frédéric Teulon

Notes

1 L’ENI a fait cette découverte via sa filiale locale IECO Production BV, mais l’exploitation du site sera dirigée par Petrobel, un consortium regroupant IEOC et la compagnie générale du pétrole égyptien (EGPC).

2 La partie qatarie du gisement est dénommée North Dome.

3 Voir le rapport annuel World Energy Outlook, de l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Voir également l’article d’Anouk Honoré, « Le Moyen-Orient et le développement d’un marché mondial du gaz naturel », Politique étrangère, n°2, 2006.

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