Le monde qui vient. L’humanité a-t-elle un avenir ?

Monde
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 Le « monde plat » de la globalisation actuelle est menacé d’un effondrement écologique ou d’une apocalypse nucléaire.

Dans ces conditions, quel avenir peut être envisagé ? Outre la poursuite de la globalisation sous la forme du « monde plat », trois tendances d’évolution possible peuvent être envisagées. Elles mènent respectivement aux modèles de l’« empire postlibéral », du « renouveau citoyen » et de la « démocratie solidaire ». La première trajectoire possible consiste à poursuivre la globalisation actuelle, sous la forme du « monde plat ». Ce modèle a fait la preuve de son efficacité en termes de progrès technique et de croissance économique. Par contre, fondé sur la maximisation du profit, il est peu compatible avec des mesures d’intérêt général. Chacun étant supposé agir en fonction de son seul intérêt personnel, le manque de solidarité et de cohésion sociale qui en résulte mène à une multiplication des conflits et, à terme, à une dislocation de la société. En incitant à consommer toujours plus de biens, ce modèle est, en outre, incompatible avec une saine gestion des biens communs à l’échelle planétaire. Il conduit ainsi, de façon quasiment inéluctable, à un effondrement écologique. Trois alternatives peuvent être envisagées :

  • L’« empire postlibéral », qui résulte du passage de (IV) en (III), impose l’ordre social à l’intérieur et un pouvoir hégémonique à l’extérieur. Tout en s’inscrivant dans le prolongement du néolibéralisme, mais en s’opposant à l’expression des libertés, ce régime postlibéral marque la fin du libéralisme dans sa conception initiale. Les inégalités sociales sont fortement accentuées et seule l’oligarchie dominante garde une liberté relative, tout en étant astreinte à accepter sans réserve la doctrine imposée par le régime en place. Les contraintes subies par les populations entraînent de fortes tensions sociales et des risques élevés de conflit.
  • Le « renouveau citoyen » opère le passage de (IV) à (I), suivant un changement de perspective, qui privilégie les valeurs immatérielles. Les signes actuels d’aspiration au changement montrent qu’une telle transformation est non seulement envisageable, mais qu’elle est même fortement souhaitée par une large partie de la population. Elle répond à un besoin de paix et de justice. Toutefois, en dépit de fortes attentes, un changement aussi radical sera difficile à opérer. Il pourrait n’intervenir qu’à l’issue d’une phase d’effondrement de la société, conduisant à la destruction du monde plat actuel.
  • La « démocratie solidaire » vise à réunir une communauté de citoyens soucieux de réduire les inégalités et de partager le pouvoir entre tous, en assurant le passage de (IV) en (II). En termes de valeurs, la démocratie solidaire se situe à l’opposé de la globalisation actuelle. Elle apparaît comme le modèle le plus durable et sans doute aussi le plus souhaitable. Toutefois, même s’il répond à des attentes, ce modèle n’en demeure pas moins le plus difficile à mettre en place dans un proche avenir. Pour cette raison pour y parvenir, il sera sans doute nécessaire de passer par l’étape préalable du renouveau citoyen.

Aucun des modèles précédents ne peut décrire exactement la réalité future. La société étant diverse, différentes composantes seront, sans doute, présentes demain à des degrés divers, comme cela se passe déjà aujourd’hui. Dans un proche avenir, l’hypothèse d’une poursuite de la globalisation sous sa forme actuelle paraît la plus vraisemblable. Le monde plat qui en est l’aboutissement est toutefois confronté, comme on l’a vu, à des menaces croissantes d’effondrement écologique, en raison des profonds déséquilibres environnementaux et sociaux qui résultent de son mode de fonctionnement. Des troubles prolongés et le risque de chaos social risquent de conduire à un régime autoritaire. Une telle évolution est sans doute la plus simple à concevoir, car elle prolonge directement des tendances déjà présentes. Répondant au besoin de stabilité et de sécurité d’une société qui se sent menacée, elle ne nécessite pas un bouleversement des mentalités, mais requiert simplement l’acceptation d’une érosion plus ou moins progressive des libertés. Une société en proie à des difficultés économiques ou politiques peut être tentée d’accepter un régime autoritaire lui promettant d’apporter une solution à tous les problèmes qu’elle rencontre. De ce fait, le chemin à suivre est dans ce cas le plus simple et le plus direct.

Toutefois, contrairement aux apparences, le régime postlibéral est fragile, en raison de la rigidité de ses structures sociales et des graves tensions qui résultent du recours permanent à la force. Il est donc très vulnérable vis-à-vis de toute perturbation extérieure. De ce fait, seule une mutation culturelle de grande ampleur, passant par un renouveau citoyen et conduisant de là à une démocratie solidaire, parait en mesure de préserver le monde d’un effondrement ou d’une catastrophe finale.

Alexandre Rojey
Libre & Solidaire, 2018

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