Chacun a bien conscience que le désastre économique qui suivra la fin de la crise et d’ailleurs aussi le désastre médical dû à toutes ces pathologies intercurrentes délaissées depuis le début du confinement, ne manqueront pas d’induire dans la société française, après un deuxième tour des Municipales qui témoigne définitivement du désamour des Français vis-à-vis de leurs instances politiques, une aspiration vers un nouveau modèle qui s’écartera de la vision mondialiste oligarchique aux commandes depuis 30 ans.
Déjà les aspirations souverainistes proclamées par Eric Zemmour ou le Front populiste lancé par Michel Onfray démontrent que le clivage n’est plus ni celui traditionnel droite-gauche d’avant Macron ni le libéralisme universel de l’actuel Président consacrant une vision européiste prête à tout pour essayer de conforter une mondialisation que nos concitoyens commencent à rejeter.
Tout est à repenser ! Tout est à rebâtir !
Alors essayons d’énoncer quelques postulats qui pourraient servir de socle pour l’avenir que nous espérons pour la France, pour l’Europe, pour le Monde.
Cette Europe maestrichtienne qui depuis des décennies nous forçait au vertueux principe de l’équilibre budgétaire est tellement à la dérive que la technocratie bruxelloise est aujourd’hui prête à ouvrir en grand les vannes de la création monétaire quelles qu’en soient les inévitables conséquences en termes d’inflation, de fiscalité, de pression sur les plus modestes -Rappelons-nous « Le Diable Rouge » d’Antoine Rault retraçant les derniers mois de la vie du Cardinal Mazarin-.
Allons-y : tout est permis, 750 milliards d’argent frais sortant des planches à billets, et plus s’il le faut, même chose aux USA, en Amérique latine mais sans doute pas en Chine…
Les Allemands et les Autrichiens qui gardent le terrible souvenir de l’effondrement du mark lors de l’hyperinflation de la République de Weimar qui finalement amena Hitler au pouvoir n’accepteront jamais de revivre ce cauchemar. Les Hollandais non plus !
Si bien que seuls les Etats du Sud : France, Italie, Espagne, Grèce…semblent prêts à tenter l’aventure, de quoi faire exploser une Europe à deux vitesses à l’heure pourtant où seuls des continents organisés peuvent espérer imposer leurs règles dans des économies mondiales si profondément intriquées.
La France souverainiste par exemple peut-elle, isolée, combler son déficit commercial abyssal avec la Chine (plus de 30 milliards par an) ?
Mais peut-on durablement forcer à vivre ensemble des pays qui n’ont pas la même conception de l’Europe ?
L’Europe-Nation à la Française confortée dans ses frontières même si elle reste ouverte au monde ou l’Europe-Passoire accueillant tous les vents de la mondialisation prête à tous les abandons de souveraineté au seul but de l’enrichissement personnel fabuleux de quelques-uns (Rappelez-vous le vieux slogan : « Produire dans les pays où la main d’œuvre est la moins chère, vendre aux pays développés tant qu’ils sont encore solvables, constater ses profits dans des paradis fiscaux » !
Il va falloir choisir !
Oui le réveil va être brutal pour beaucoup : pour ceux qui en septembre après l’insouciance des vacances vont se retrouver sur le carreau du chômage, pour ceux qui face à la fermeture partielle des écoles ne sauront plus par qui faire garder leurs enfants, pour les malades et les personnes âgées dépendantes dont il faudra pourtant s’occuper, pour les soignants mal payés qu’un rebond épidémique mettrait à genoux, pour les manifestants de demain qui ne manqueront pas une fois les masques enlevés de repartir en lutte, pour les Français qui ne se retrouvent plus (après plus de 50% d’abstention) dans les instances politiques censées les représenter…
Alors que faire ? un peu de prospective
S’asseoir un moment et réfléchir ensemble à la France et l’Europe que nous voulons construire.
Et d’abord se poser clairement la question : Quelle Europe voulons-nous pour la décennie en cours ?
Une Europe des 27 impose une solidarité accrue touchant son mode de fonctionnement, sa coopération économique, sa défense, sa structure s’orientant progressivement vers un Etat-Continent face aux autres puissances économiques mondiales, la protection de ses ressortissants, une politique généreuse d’aide au tiers-monde permettant de lutter efficacement contre les vagues migratoires.
Une Europe réduite à ceux qui partagent cette vision d’Europe-Nation (à la mode américaine où les Etats de l’Union conservent en propre de très nombreuses prérogatives) sera peut-être nécessaire si l’égoïsme des plus riches se mure dans un individualisme national qui tôt ou tard se retournera contre leurs intérêts). Un exemple : que deviendra la florissante Allemagne si l’Europe qui représente 60% de ses exportations lui ferme tout à coup ses portes ?
Une France souverainiste attendue par de nombreux acteurs prête à se recroqueviller sur son passé flamboyant à l’heure où le monde explose ?
L’heure est à la recomposition. Essayons d’ouvrir un vrai débat entre tous ceux qui recherchent l’intérêt général.
Quand on regarde la politique de l’Europe et des pays européens pour l’industrie, l’énergie, l’armée, la diplomatie, ou encore pour l’écologie, on est toujours frappé par ses mauvais résultats : dépendance énergétique élevée, pollution importante, recul industriel, recul technologique, impuissance militaire, faiblesse diplomatique.
C’est la dispersion des moyens et des pouvoirs entre 27 pays européens, plus une Commission européenne sur ces grands sujets qui explique ces mauvais résultats. La Chine ou les USA obtiendraient-ils des résultats sans gouvernement central ?
Les grands sujets sont nécessairement des sujets politiques dont la gestion ne peut donc pas être déléguée à une instance éloignée des citoyens et irresponsable comme l’est le Conseil européen.
Le progrès de l’intégration européen passe donc désormais nécessairement par la création d’un gouvernement fédéral européen élu par les citoyens européens.
Il faut donc passer de l’Europe incohérente des projets technocratiques à l’Europe organisée des grands sujets politiques. Une nouvelle gouvernance s’impose.
La création d’un gouvernement fédéral européen ne pourra pas être réalisé d’un coup. Il faudrait commencer par la création d’un gouvernement franco-allemand. La création de ce gouvernement franco-allemand nécessiterait une force politique franco-allemande fédéraliste.
Il est possible de constituer cette force politique franco-allemande fédéraliste avec les éléments pro européens, lucides et avec les éléments « patriotes » qui ne sont pas opposés au patriotisme européen.
Cette force politique pourrait déjà s’appuyer sur la volonté de plus de 30% des allemands et des français de créer un gouvernement européen fédéral et démocratique.
Sans gouvernement européen responsable, les européens seront pleinement vassalisés par les superpuissances. Ils seront progressivement marginalisés économiquement et seront de nouveau exposés aux déchirements internes, attisés par des puissances extra européennes.
Dans les domaines clés de la vie publique (défense, industrie, écologie, diplomatie, commerce, recherche, démographie, immigration…), un gouvernement européen responsable devant les électeurs est nécessaire pour obtenir des résultats. C’est le modèle des euro-patriotes pour une Europe forte et indépendante.
Le modèle confédéral ou semi-fédéral des européistes est insuffisant et dépassé.
Un gouvernement européen digne de ce nom nécessiterait une administration et une Gouvernance avec des moyens militaires et budgétaires et donc un Etat. Cet Etat européen fédéral s’appuierai sur la super nation européenne.
Qu’est-ce qu’une nation européenne sinon une grande nation regroupant ses petites nations ?
La création du gouvernement européen passerait d’abord par la mise en place d’un gouvernement fédéral franco-allemand, compétent pour tous les périmètres de ce que la France et l’Allemagne ne pourraient plus faire seuls. Ceci créera une dynamique fédérale en Europe et permettra d’incorporer progressivement tous les pays européens. Est-ce trop tard ou trop tôt ?
Aux pires heures de son histoire, la France a toujours su renaître d’un nouveau sursaut et proposer d’autres modèles.
Jamais la défiance, déjà ancienne, entre membres de l’UE n’avait atteint un tel niveau. Jamais le climat n’avait été aussi délétère entre les dirigeants des Etats du Nord et du Sud de l’Union.
Il est vital qu’elle prenne des décisions à la hauteur de la crise, faute de quoi populistes et nationalistes domineront à nouveau la scène politique européenne ; faute de quoi l’UE disparaîtra des radars mondiaux, écrasée entre la Chine et les Etats-Unis, ballottée dans un monde sans gouvernail et de plus en plus fracturé.
Mais soyons-en sûrs : ce sera encore le cas demain.
Jean-Claude Fontanive