La soutenabilité de la dette en Afrique de l’Est

Afrique de l’Est
Partager  
Partager sur facebook
Partager sur twitter
Partager sur linkedin
Partager sur email
Partager sur print

Au cours des vingt dernières années, les pays d’Afrique de l’Est (Kenya, Uganda, Tanzanie, Rwanda et Burundi) ont connu de profondes transformations structurelles dues à l’adoption de fortes mesures d’ajustement macroéconomiques. Une croissance rapide a été rendue possible par la croissance des secteurs agricoles, de construction, et de services.

Partant d’un fort déficit en infrastructures, des marchés financiers domestiques sous-dimensionnés et des déficits primaires récurrents ont conduit ces cinq pays à se tourner vers les marchés financiers internationaux afin de trouver des sources de financement. La situation actuelle de l’Afrique de l’Est montre que, malgré une transformation réussie sur le plan macroéconomique, la résilience aux troubles politiques, à la vulnérabilité institutionnelle et aux chocs économiques, est faible. Dans ce contexte, il est important d’apprécier la soutenabilité de la dette en Afrique de l’Est.

Déterminants de la dette

La question de la soutenabilité de la dette peut être appréhendée à travers plusieurs critères, tels que des déterminants fiscaux ou macroéconomiques (par exemple, taux d’intérêt ou croissance du PIB). La dette est considérée comme soutenable si le gouvernement peut tenir ses engagements futurs de remboursement d’emprunt sans recourir à la faillite, à la restructuration ou à la renégociation de sa dette.

La condition essentielle de la soutenabilité de la dette consiste à établir un ratio entre la dette et le PIB qui soit stable ou décroissant dans le temps. Ce ratio est affecté – en termes réels – par la dynamique des taux d’intérêts, la croissance du PIB, le taux de change, et le ratio de la balance primaire en fonction du PIB. Plus généralement, dans une économie ouverte, l’évolution de la dette du gouvernement peut être exprimée en fonction des taux d’intérêts nominaux sur la dette domestique et extérieure, du taux de change nominal, et de la balance primaire.

Comprendre les données

L’analyse des données provenant de la Banque Mondiale et de l’African Markets Initiative couvrant la période 1991-2014 pour le Kenya, l’Uganda, la Tanzanie, le Rwanda et le Burundi (AFMI) permet de faire quelques observations importantes.

Suite à des chocs politiques ou économiques défavorables, la dynamique de soutenabilité de la dette extérieure peut être rétablie au plus après trois années. Les gouvernements agissent pour que la dette revienne à son niveau pré-choc. Cependant, les termes de l’échange peuvent se détériorer pendant cette période de trois ans, car les exportations réagissent à une dépréciation de la monnaie domestique. La pression fiscale s’accentue alors, mais une consolidation fiscale prenant la forme d’augmentation des impôts et taxes ou d’une réduction des dépenses du gouvernement peut avoir des effets négatifs sur la croissance du PIB de la région.

Suite à des chocs impactant négativement la balance primaire, la dette externe augmente pendant deux années avant de se stabiliser. L’amélioration de la balance primaire est un indicateur important de soutenabilité de la dette.

Un choc positif de taux d’intérêt augmente la croissance du PIB sur une période allant d’une à cinq années, tandis qu’un choc positif sur la dette extérieure augmente la croissance du PIB jusqu’à un horizon de trois années.

Un coût élevé de la dette provoque un effet d’éviction sur le reste de l’économie. En effet, l’accroissement du service de la dette raréfie les ressources publiques et empêche d’atteindre de bonnes performances macroéconomiques.

Ces observations peuvent être réduites à trois conclusions : premièrement, la dette apparaît soutenable dans les pays d’Afrique de l’Est tant que s’améliorent la productivité et le PIB. Deuxièmement, les taux d’intérêt et de change agissent de façon pro-cyclique sur la dette extérieure. Enfin, la consolidation fiscale peut être contre-productive, car elle impacte négativement la croissance économique et donc la capacité des pays à rembourser leur dette.

Limiter et restructurer l’endettement public, introduire des stabilisateurs macroéconomiques

L’évaluation interactive des déterminants de la dette a révélé l’existence de facteurs de risque à la fois externe et interne. D’un côté (risque externe), nous avons remarqué qu’un coût élevé ainsi qu’une croissance de la dette signalent un risque défaut aux investisseurs. Ce phénomène peut provoquer une fuite de capitaux, prenant la forme de dépréciation du taux de change et de vente d’obligations d’État domestiques par les investisseurs étrangers. De surcroît, le poids du paiement de la dette érode la confiance des investisseurs et bride la performance économique. De l’autre côté (risque interne), nous avons souligné que la consolidation fiscale en tant que réponse à la dynamique de la dette peut s’avérer finalement contreproductive.

Dès lors, il apparaît souhaitable de limiter l’endettement public qui impacte négativement la croissance du PIB à long terme et augmente la difficulté à repayer la dette dans le futur. La dette doit être restructurée afin de s’assurer que le service de la dette soit maintenu à un niveau acceptable. L’introduction de stabilisateurs automatiques (à travers les taux d’intérêt et de change) apparaît cruciale à des fins de gestion de la dette, et ce même si les gouvernements agissent afin de neutraliser les effets des chocs adverses pour restaurer la dette à son niveau antérieur. Ce but devrait être poursuivi afin d’assurer le caractère non-explosif de la dette pour les pays d’Afrique de l’Est.

William Irungu Ng’ang’a

Julien Chevallier

Simon Wagura Ndiritu

Partager
Partager sur facebook
Partager sur twitter
Partager sur linkedin
Partager sur email
Partager sur print
Dans la même catégorie
veille & Analyse

S'inscrire à la Newsletter

Inscrivez-vous à notre newsletter pour ne rien manquer aux actualités de la plateforme, ses nouveaux
articles, ses prochains événements, ses informations inédites et ses prochains projets.

Commentaires

Pour réagir à cet article, vous devez être connecté

Vous n’avez pas de compte ? > S’INSCRIRE

Laisser un commentaire