La gravité de la crise économique que tout le monde attend pour la rentrée de septembre avec un risque non négligeable de faillites en cascades au cours des prochains mois aurait dû pousser les dirigeants européens à mettre en place une véritable politique financière de l’UE alors qu’ils n’ont abouti au petit matin du 21 juillet qu’à un plan de relance de 750 milliards d’euros, notoirement insuffisant, destiné à soutenir les économies européennes les plus mises à mal par la pandémie du Covid-19.
Pourtant devant les caméras, Angela Merkel et Emmanuel Macron se sont félicités d’avoir « apporté une réponse à la plus grande crise de l’histoire européenne », menaçant l’existence même de l’Euro. Mais les Etats frugaux de l’Europe du Nord, Pays-Bas en tête, associés au Danemark, à la Suède, à l’Autriche et à la Finlande se sont violemment opposés à la proposition de la Commission de lever la totalité de la dette sous la signature de l’Union afin de faire profiter les pays européens les plus exposés du taux le plus bas sans en exiger formellement le remboursement.
Sur ces 750 milliards le couple franco-allemand considérait comme une ligne infranchissable empruntée directement par l’UE la somme de 500 milliards. Il a fallu transiger à 390, tout le reste (soit 360 milliards d’euros) devra être emprunté directement par les différents pays demandeurs (aux conditions qu’ils trouveront). Et encore, sous la menace d’un droit de veto des fourmis si elles considèrent que les pays bénéficiaires ne respectent pas les règles budgétaires qu’elles veulent imposer.
La zone euro qui déjà a la croissance la plus faible de tous les pays occidentaux et qui de loin est la moins protectrice face aux USA et face à la Chine reste figée devant la nécessité de procéder à des réformes structurelles pourtant indispensables (retraites, marché du travail, sécurité sociale, santé, transition écologique, développement des infrastructures numériques) sans lesquelles elle finira par éclater si elle refuse d’aller de l’avant ou de faire partir ceux qui la freinent.
N’oublions pas que l’Allemagne, la plus forte des économies de la zone Euro ne peut se permettre une faillite des grands pays de l’Europe du Sud (France, Italie, Espagne) où elle puise depuis des décennies les richesses de ses exportations.
Sans une relance vigoureuse (rappelons que la dette de l’Europe sera encore demain inférieure à la moitié de celle des USA alors que sa population est nettement plus importante) on devra redouter une envolée de licenciements touchant le tourisme, la restauration, les services, les transports aériens qui ne résisteront pas à une nouvelle vague de confinement en cas de reprise de la pandémie au cours de l’hiver ?
Or, cette relance de 750 milliards n’équivaut qu’à 5 % du PIB de l’UE contre une relance programmée de 15% aux USA et de 21% au Japon ! Une fois de plus on va encore jouer les « petits bras » et notre secteur bancaire risquera fort à son tour de crouler sous les mauvaises créances et les emprunts qui ne peuvent plus être remboursés.
Là-encore le fossé entre pays riches et pays pauvres ne manquera pas de se creuser davantage. Il suffit de comparer les moyens budgétaires supplémentaires avancés par l’Allemagne (14 % du PIB), la France (6 % du PIB), l’Italie (5 % du PIB) et l’Espagne (3,2 % du PIB) pour comprendre qu’il sera de plus en plus difficile de rester ensemble et de conserver la même monnaie.
L’égoïsme des Etats fourmis, incapables de voir l’UE comme leur avenir et des Etats cigales, incapables de se réformer vont exacerber jusqu’à explosion les forces centrifuges qui s’exercent dans la zone euro depuis plus dix ans et la stupidité des gouvernants incapables de comprendre qu’une solidarité européenne à toute épreuve est indispensable à notre survie en tant qu’Etat-Continent mettra fin tôt ou tard à 70 ans de paix et de coopération.
Jean-Claude Fontanive