Il n’y a pas que le hasard. Il n’y a que ce qui doit arriver et qui, à cause de nous, arrive ou n’arrive pas.
Beyrouth, ville meurtrie hier, est sous les cendres noires. C’est à cause, selon le Premier ministre libanais Hassan Diab, de 2 750 tonnes de nitrate d’ammonium qui étaient stockées et ont explosé dans l’entrepôt du port de Beyrouth. Des milliers de blessés et des scènes apocalyptiques, le cœur de diamant du Moyen Orient saigne…
Ne pouvions-nous pas prévoir le pire ?
Il est à noter que, depuis le tout début de la fabrication industrielle de ce composé chimique, au début du XXe siècle, le nitrate d’ammonium a été impliqué dans plusieurs accidents industriels majeurs lors de son stockage ou de son expédition :
Le 26 juillet 1921, à Kriewald (anciennement Silésie allemande), le déraillement de wagons remplis de nitrate d’ammonium est responsable de 19 morts. Moins de 2 mois plus tard, le 21 septembre, dans l’usine allemande d’Oppau, une explosion est responsable de 561 morts et 1 952 blessés dans une zone de stockage de nitrate et de sulfate d’ammonium.
Le 24 mars 1992, l’explosion d’une citerne d’ammoniac se produit à Dakar, au Sénégal, et cause la mort de 129 personnes parmi 1 150 blessés.
En 2001, dans l’usine AZF de Toulouse, le nitrate d’ammonium est à l’origine du drame. On dénombre 30 morts et 2 500 blessés.
Et nous voilà en 2020 à Beyrouth. Le bilan provisoire, non actualisé, est d’au moins 100 morts et plus de 3 700 blessés…
Mais quelle a été la prise de conscience par rapport à ce risque, et quelles leçons aurions-nous pu tirer pour éviter le pire ?
Un risque silencieux… la preuve empirique que « le bateau n’était pas sûr »
L’explosion est survenue hier et la probabilité pour qu’elle se produise pouvait s’appuyer sur cette théorie développée par le statisticien américano-libanais Nassim Nicholas Taleb. Un risque silencieux peut se transformer en risque mortel. C’est sa théorie du cygne noir. Il appelle ainsi un événement imprévisible qui a une faible probabilité de se produire (ce que l’on appelle un « événement rare » en théorie des probabilités) et qui, s’il survient, a des conséquences d’une portée considérable et exceptionnelle. De ce fait, si on néglige un risque en pensant qu’il y a peu de chances pour qu’il se réalise, on risque fort de le voir se transformer en événement mortel !
Villes sinistrées : des risques environnementaux et sanitaires !
Il s’avère nécessaire, après ces accidents industriels, de mettre en place des travaux de décontamination ainsi qu’une surveillance environnementale et sanitaire auprès des populations sinistrées. Un suivi neurologique, pulmonaire et oculaire est indispensable.
Une solidarité méditerranéenne est nécessaire
Nous avons en Europe, et en particulier en France malheureusement, une expérience de la gestion des catastrophes industrielles majeures, à commencer par le 10 mars 1906, avec la catastrophe minière la plus meurtrière d’Europe, à Courrières dans le Pas-de-Calais. Il y en a des centaines à notre charge, jusqu’à celle de 2019 dans l’usine Lubrizol de Rouen. On sait que ce n’est pas fini, vu la proximité des usines de type Seveso avec les zones d’habitation…
Nous devons manifester notre solidarité avec le Liban afin de lui permettre de traverser cette crise d’accident industriel majeur, et mener par la suite une réflexion à long terme pour adopter des approches communes concernant la gestion des risques sur la zone Méditerranée…
Soyons solidaires et pas solitaires, et pour éviter les « cygnes noirs » sachons observer les signes noirs
Comme l’avait déjà dit Victor Hugo :
Rien n’est solitaire, tout est solidaire. L’homme est solidaire avec la planète, la planète est solidaire avec le Soleil, le Soleil est solidaire avec l’étoile, l’étoile est solidaire avec la nébuleuse, la nébuleuse, groupe stellaire, est solidaire avec l’infini.
Chaden Diyab
