Bonne gouvernance et sécurité du financement des projets de développement : l’exemple du Bénin

Gouvernance Financement afrique Bénin Désiré Yasso
Partager  
Partager sur facebook
Partager sur twitter
Partager sur linkedin
Partager sur email
Partager sur print

La problématique du développement en général et de celui des pays « pauvres » en particulier nourrit les débats aussi bien dans les milieux académiques qu’auprès des instances de développement et de coopération internationales. De l’échec des programmes d’ajustement structurel (PAS) au regain d’intérêt sur la notion de « bonne gouvernance » comme vision indispensable à tout développement socio-économique des pays, les « opérateurs » ne manquent pas d’ingrédients pour construire à petits pas les bases de l’émergence des pays du globe terrestre. Aucun continent n’est en marge des débats sur la question du développement justement parce qu’aucun continent n’échappe à l’ampleur de la pauvreté, de l’Amérique à l’Europe en passant par l’Afrique et même l’Océanie. Le continent africain fait partie des plus touchés au regard du niveau d’industrialisation, de développement économique, du taux de chômage, de pauvreté, etc. C’est ce qui a favorisé le développement des initiatives de « Projets de développement » destinés à accompagner la réalisation des objectifs de développement dans les pays pauvres.

Mais les bilans d’exécution ou de réalisation de ces projets dans plusieurs pays ne sont pas forcément concluants du moins dans la limite supérieure de leur performance attendue. L’une des raisons de l’insuffisance de performance dans la mise en œuvre des projets et programmes de développement réside dans les faiblesses des dispositifs internes de déploiement de ces projets. En parlant de dispositif interne, nous faisons allusion aux sécurités pensées en amont de leur mise en œuvre et qui devraient servir à encadrer l’exécution et l’évaluation des impacts desdits projets.

Dans la pratique, le dispositif de contrôle interne est un instrument indispensable sur toute la chaîne de conception et de déploiement d’un projet ou programme de développement. Ceci est d’autant plus nécessaire dans un environnement corrompu où les gouvernements sont astreints au remboursement de GAP entre fonds mobilisés et dépenses valables réalisées.
Nous partons de trois (03) études de cas pour étayer notre propos. Mais avant il faut situer le contrôle interne au regard de la « bonne gouvernance ».

A cet effet, le FMI (Fonds Monétaire International) s’est intéressé à la transparence dans la gestion des finances publiques en définissant les bonnes pratiques en la matière. Il est largement admis aussi bien par la communauté internationale que par les Etats et les populations locales, que la « bonne gouvernance » est cruciale pour assurer durablement la stabilité macroéconomique et une croissance de qualité. De ce fait, une gestion saine des finances publiques, reposant notamment sur la transparence, en est un aspect essentiel.

L’intérêt du discours sur la bonne gouvernance se présente sous une double dimension. D’abord la bonne gouvernance est adoptée pour favoriser l’institutionnalisation d’institutions solides, capables de mener à bien les politiques nationales et sectorielles. Ensuite la bonne gouvernance vise à minimiser les risques d’accaparement des deniers publics pour la satisfaction des besoins des individus au détriment de « l’intérêt général ». Ce qui implique donc un re-questionnement de la mentalité des dirigeants de structures sous tutelle de l’Etat.

Notons que la notion de bonne gouvernance est avant tout source de tension « norme-exécution ». Sa dimension normative mettant en lumière les exigences des parties prenantes au développement des « pays pauvres », l’exécution relevant de l’implémentation de ces exigences dans les pratiques de gestion dans une logique de rationalité. D’où la dualité conception (au travers des différents codes ou exigences en matière de bonne gouvernance) et mise en œuvre venant traduire l’implémentation de ces exigences ; donc d’une part la théorie et d’autre part la pratique. Les principes ou les pratiques de bonne gouvernance peuvent être appréhendées sans trop se tromper, avec la notion de « best practices », notion assez connue dans les sciences de gestion ; « best practice » qui du point de vue organisationnel conçoit la pratique comme ce qui assure la performance et la conformité (Martinet et Pesqueux, op Cit.). Ce qui implique un jugement de valeur permettant de distinguer la « bonne gouvernance » de la « moins bonne » voire de la « Mal Gouvernance » au travers d’un référentiel le plus souvent ambigüe. En adoptant la bonne gouvernance, les pays africains en général et le Bénin en particulier s’engagent au respect des codes et exigences définis par les partenaires au développement, ce qui soumet la notion à une double dimension de jugement de valeur, externe et interne (Martinet et Pesqueux, op Cit.). Le jugement de valeur interne se déclinant à deux niveaux : au niveau de l’exécutif (qui adopte solennellement en engageant le pays au niveau de la communauté internationale) mais aussi au niveau des entités sous tutelle de l’Etat (chargé de mettre en application les orientations définies par le pouvoir central). Ces principes constituent selon Pesqueux Y. (2007) « … une forme de guidance assimilable à celle du « roi – pasteur » , les principes valant en quelque sorte commandements ».

Aussi, la tension « bonne gouvernance – lutte anticorruption ». La mise en œuvre de la bonne gouvernance semble se limiter à une finalité qui réside dans la lutte contre la corruption. La corruption étant supposée être le principal frein à la mise en œuvre de la bonne gouvernance

Appréciée sous cette dimension, la mise en œuvre de la bonne gouvernance requiert donc un travail de moralisation de la vie en société (de l’économique au social en passant par le politique). Le système de bonne gouvernance se trouve donc être un corpus de gouvernance en tension avec le système de gouvernance de la corruption. Corpus entendu comme ensemble de règles, d’instruments, d’outils mais aussi de comportements et leur finalité. La dynamique organisation du régime de gouvernance de la corruption venant constituer un contrepoids à la mise en œuvre du système « formel » de bonne gouvernance. Revenons donc aux entreprises publiques où le régime de gouvernance, incarnant le système de bonne gouvernance se trouve confronté au dynamisme du régime de gouvernance de la corruption doté d’une puissance adaptative et innovante. Chaque outil développé dans le sens de l’amélioration de la bonne gouvernance voit apparaître de nombreuses « pratiques » de contournement, de transgression qui se trouvent mieux adaptées au contexte et donc aux réalités du milieu où la bonne gouvernance se met en place. Les trois (03) exemples ci-dessous présentés ont fait l’objet de communication gouvernementale et la documentation existe sur le site internet du gouvernement béninois.

  • En 2008, une convention spéciale de financement relative à la mise en œuvre du projet FAFA dans les départements du Mono et du Couffo, a été signée entre la République du Bénin et le Royaume de Belgique. Cette convention prévoyait deux instru-ments d’intervention à savoir le Fonds d’investissements communaux et le Fonds de financement des micro-projets, indispensables selon les partenaires au développement, à un véritable décollage du tissu productif et la création de richesse. A la clôture du projet pour ce dernier volet, le constat est que plus de vingt-deux millions de francs CFA soit environ 35 000 euros ont fait l’objet de mauvaise gestion ou même de dilapidation par les acteurs de la chaîne de financement. Le partenaire bailleur a conditionné la poursuite du financement du projet FAFA par le remboursement du gap ainsi relevé à la fin du projet. Une explication plausible des anomalies relevées consiste à questionner l’arsenal technique de protection du patrimoine déployé dès la mise en place du dispositif de financement.

Pour ne pas pénaliser les nombreux acteurs bénéficiaires des fonds du projet, l’exécutif béninois a été contraint de rembourser au partenaire le gap en vue de la poursuite du financement. L’argent que le pays n’avait pas en recourant au financement extérieur, il a fallu le trouver pour permettre la poursuite dudit financement.

  • Le deuxième cas d’appui à notre argumentaire est relatif à l’annulation du financement de projet par la Banque Islamique de Développement d’un montant de plus de 16.5 milliards de francs CFA (environ 25.154 millions d’euros) enclenchée en janvier 2018. Ces fonds, dont l’allocation a été notifiée au Bénin en juin 2017, étaient destinés au financement des microcrédits aux plus pauvres. Cette annulation est intervenue à la suite d’un dysfonctionnement procédural qui aurait pu être prévenu au travers d’un dispositif adéquat.
  • Le troisième cas d’appui à note argumentaire , et qui a fait l’objet d’un audit international et plusieurs communications gouvernementales, est relatif au financement de l’accès à l’eau potable. En 2013, il a été décidé d’un commun accord avec la partie néerlandaise, de renouveler le Programme Pluriannuel d’appui au secteur de l’Eau et de l’Assainissement (PPEA II), à la suite de la première édition qui a couru de 2007 à 2012. D’un coût global de 43,65 milliards de FCFA (soit environ 66.5 millions d’euros), la grande partie serait financée par les Pays-Bas. Le ministère en charge de l’eau et la direction générale de l’eau seraient chargés de gérer les fonds, et d’assurer la mise en œuvre du projet PPEAII. Il va durer de 2013 à 2015. Courant avril 2015, un rapport du cabinet Fudicia Consulting Group (FCG), chargé d’élaborer annuellement le rapport d’audit de gestion du PPEA II, révèle à travers le rapport de l’année 2014, que 3 milliards de Francs CFA auraient fait l’objet de détournement. Notre objectif n’étant pas de présenter le rapport d’audit ou de citer les mis en cause, nous constatons juste que là encore, c’est par référence à l’arsenal sécuritaire que la détection des dysfonctionnements n’a pu se faire qu’a posteriori.

Nonobstant les autres facteurs d’échec des projets pris en exemples supra, il nous paraît pertinent de mettre en exergue le volet contrôle interne dans la réussite ou non du financement du développement des pays pauvres. La performance du financement du développement ne peut être améliorée que si les moyens de sécurité en amont des dépenses sont mieux pensés.

Ainsi, les dispositifs internes de contrôle devraient requérir une grande attention de la conception jusqu’à l’évaluation des projets de développement pensés pour accompagner l’essor socio-économique des pays pauvres.

Désiré Yasso

Partager
Partager sur facebook
Partager sur twitter
Partager sur linkedin
Partager sur email
Partager sur print
Dans la même catégorie
veille & Analyse

S'inscrire à la Newsletter

Inscrivez-vous à notre newsletter pour ne rien manquer aux actualités de la plateforme, ses nouveaux
articles, ses prochains événements, ses informations inédites et ses prochains projets.

Commentaires

Pour réagir à cet article, vous devez être connecté

Vous n’avez pas de compte ? > S’INSCRIRE

Laisser un commentaire