Les propositions de la plate-forme PEPS pour placer les citoyens et les territoires au cœur de la stratégie énergétique de la France ont été présentées en septembre 2018 dans le contexte du débat portant sur la première révision de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), qui est toujours en cours. Dans le cadre de la préparation de la Programmation pluriannuelle de l’énergie 2019-2028, le rapport PPE, sa synthèse et le projet de décret associé sont mis en ligne à disposition du public par le Ministère de la transition écologique et solidaire afin de recueillir ses observations du 20 janvier au 19 février 2020 ; un bilan de la consultation sera établi par le Ministère de la transition écologique et solidaire. La contribution de la plate-forme PEPS reste d’une grande actualité pour l’actuelle période de programmation, ainsi que pour celles d’avenir.
La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), feuille de route énergétique de la France pour les dix ans à venir, doit être présentée par le gouvernement dans les prochaines semaines. Elle prendra la forme d’un décret d’application de la loi de transition énergétique pour la croissance verte du 17 août 2015. Elle doit à ce titre en poursuivre les objectifs, et tracer, pour la période 2019-2028, le chemin pour les atteindre.
D’une forte portée diplomatique, il s’agit de définir la part qui sera assumée par la France en matière d’énergie dans la lutte contre le dérèglement climatique. C’est également un document fondateur de la société que nous voulons mettre en place pour adapter nos modes de production et de consommation à la limitation des ressources et à la nécessité de réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Sur le territoire national, dans notre économie comme dans notre vie quotidienne, la PPE joue un rôle d’orientation majeur. Elle constitue un cadre essentiel des investissements et des priorités d’action pour développer notamment les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique et réduire le recours aux énergies fossiles. Pour ne pas opposer les filières industrielles les unes aux autres et contribuer à la cohésion sociale et territoriale, la PPE doit répondre à trois priorités : économiser l’énergie et la décarboner, produire et consommer autrement l’électricité, et accompagner les territoires dans la transition.
1. Économiser l’énergie et la décarboner
L’amélioration de la performance énergétique des bâtiments et des transports, les deux secteurs les plus fortement émetteurs de CO2, doit être au cœur de la PPE, et une priorité des lois de finances qui viendront à en appliquer les dispositions. La PPE doit préciser les moyens de cette ambition. L’augmentation de la taxe carbone dans le prix de l’énergie est l’outil clé de la transition énergétique. Parce qu’elle touche en priorité les ménages aux revenus modestes et les petites entreprises, elle doit être compensée par des mesures de redistribution systématiques permettant de réduire les consommations : remplacement d’équipements de chauffage polluants, isolation des bâtiments, installation d’outils numériques de contrôle des consommations, systèmes de management de l’énergie dans l’industrie, prime à la casse des vieux véhicules, subventionnement, voire gratuité des transports en commun, de plans de déplacements des salariés… Ces mesures ont des bénéfices multiples : créatrices d’emploi, elles permettent aussi de réduire la précarité et de diminuer la pollution de l’air.
2. Produire et consommer autrement l’électricité
La PPE traitera de toutes les énergies. Mais la singularité du modèle électronucléaire français en fait un point crucial de la stratégie énergétique nationale. La PPE devra prévoir la mise à l’arrêt définitif d’un réacteur nucléaire par an.
Lorsque l’on interroge les Français, ils sont majoritairement favorables à la baisse de la part du nucléaire dans la production d’électricité.1 L’objectif de réduction à 50 % à l’horizon 2025, inscrit dans la loi, répond à cette aspiration.
Les scénarios fournis par le transporteur national d’électricité RTE prévoient tous une stagnation ou une baisse des consommations. Or, la compétitivité économique des énergies renouvelables solaire et éolienne s’affirme et forme le principal marché à l’export de nos géants français de l’énergie (EDF, Engie, Total).
Les modalités d’un soutien résolu aux énergies renouvelables jusqu’à leur intégration au réseau doivent impérativement figurer dans le document. Même en France, les investissements à consentir pour maintenir en fonctionnement les centrales nucléaires historiques pourraient faire basculer l’avantage économique vers les énergies renouvelables à moyen terme. Soutenir les filières renouvelables mature et émergentes dans la PPE, c’est favoriser une bascule rapide et la baisse, in fine, des subventions, au bénéfice du consommateur.
Les nouvelles énergies favorisent également le développement de services (pilotage des consommations, réseaux locaux et systèmes d’autoconsommation), qui se développent rapidement, notamment dans les pays émergents. La PPE devra promouvoir la recherche et le développement de solutions de stockage de l’électricité (sous forme de chaleur, de mobilité, de gaz, de batteries…), enjeu mondial de positionnement économique et de création d’emplois.
L’objectif de 50 % répond également à la nécessité, pour l’État actionnaire majoritaire d’EDF, de renouveler et de diversifier son patrimoine de production. En France, 40 des 58 réacteurs nucléaires en fonctionnement, soit les deux tiers du parc, de même modèle, ont été mis en service entre 1977 et 1987 et atteindront 40 ans dans la période de la PPE. Reporter cet objectif fait prendre aux Français un risque qui n’est pas seulement celui du défaut d’alimentation, le réseau étant interconnecté au niveau européen, mais celui d’un accident de sûreté majeur, dont les conséquences sociales, économiques et environnementales pour le pays sont colossales, récemment estimées à plus de 400 milliards d’euros.2
Planifiée réacteur par réacteur – et non par centrales qui peuvent réunir jusqu’à 6 réacteurs – la mise à l’arrêt progressive d’une partie du parc permet la transition professionnelle des agents, le maintien d’une expertise (notamment de sûreté) sur site le temps de la fermeture puis durant le démantèlement, la réorganisation des sous-traitants, et ne crée pas de rupture majeure sur le territoire, aux conséquences sociales que personne ne souhaiterait assumer.
3. Accompagner les territoires dans la transition
La PPE doit être l’outil qui organise la reconversion professionnelle des employés des industries polluantes et la reconversion économique des territoires. La transition énergétique va créer des emplois dans l’efficacité énergétique, le bâtiment, les services à la mobilité et à l’énergie, les énergies renouvelables et le stockage, l’économie circulaire et le traitement des déchets, le démantèlement des installations mises à l’arrêt… mais elle va aussi en détruire, notamment dans la production d’électricité thermique et nucléaire et dans l’industrie automobile traditionnelle.
Les territoires les plus concernés par ces transitions devront être soutenus par la puissance publique, à travers des aides à l’investissement, des outils de formation et une adaptation de la politique industrielle. Les contrats de transition écologique proposés par le gouvernement pour assurer une transition juste et solidaire apparaissent comme de bons outils pour assurer ces mutations.
L’exemple des territoires d’accueil des 4 dernières centrales électriques fonctionnant au charbon (Le Havre, Saint-Avold, Cordemais, Gardanne) est éclairant. Polluantes et non structurantes pour le système électrique, ces usines font pourtant vivre aujourd’hui des centaines de familles, dans la production et via ses sous-traitants, fournisseurs, transporteurs etc…
Pour garantir la mise en œuvre effective de ses objectifs ambitieux de transition énergétique, la PPE doit définir précisément les moyens juridiques, techniques et financiers d’accompagnement de la transition dans les territoires, notamment en mobilisant la banque des territoires de la Caisse des dépôts. À défaut, ses orientations resteront des vœux pieux.
Joindre le progrès environnemental, au niveau local comme au niveau global, au souci permanent du progrès social, est la seule solution pour réussir la transition écologique, et doit être la clé de voûte de la nouvelle programmation pluriannuelle de l’énergie.
PEPS
1 « Concernant les actions à mettre en place à l’avenir, les Français sont beaucoup plus favorables à des propositions s’inscrivant dans le domaine de la transition énergétique qu’à la construction de nouvelles centrales nucléaires. Ainsi, plus de 90 % d’entre eux se disent favorables au fait de « renforcer les aides pour la rénovation de bâtiments en termes d’isolation ou de mode de chauffage » (92 %), « accroître le soutien au développement des coopératives citoyennes qui produisent elles-mêmes leurs propres énergies à l’échelle locale » (92 %) ou « favoriser l’autoconsommation de l’énergie produite de manière autonome par les particuliers, les communes et les régions » (91 %). En comparaison, seuls 32 % seraient favorables à la construction de nouvelles centrales nucléaires. » Source : sondage Harris interactif, décembre 2017, « Le rapport des Français à l’énergie », http://harris-interactive.fr/ opinion_polls/ le-rapport-des-francais-a-lenergie/
2 https://www.irsn.fr/ FR/ Actualites_presse/ Actualites/ Pages/ 20130219-Travaux- recherche- IRSN- cout- economique- accidents- nucleaires. aspx#. W5PZPS_pOt8