« C’est peut-être une surprise pour certains, mais c’est une tendance que l’on retrouve partout dans le monde : les villes sont moteur dans la transition vers les énergies renouvelables. C’est une évidence pour elles que les énergies renouvelables réduisent les maladies pulmonaires et cardiaques, créent davantage d’emplois locaux et soulagent le budget municipal », a déclaré Rana Adib, secrétaire exécutive de REN21, lors de la présentation en novembre 2019 du premier rapport sur la situation mondiale des énergies renouvelables dans les villes 2019 (Renewables in Cities 2019 Global Status Report ou REC-GSR) à Paris. « Si elle dépendait des villes seules, la politique climatique et énergétique actuelle serait totalement différente. »
« Compte tenu du fait que le système économique s’est construit autour des énergies fossiles, il est difficile pour les gouvernements nationaux de placer les préoccupations climatiques au centre de leurs actions ; ceci explique notre retard à l’échelle mondiale pour respecter l’Accord de Paris. Cette vérité est difficile à accepter. L’Emissions Gap Report 2019 que notre partenaire le PNUE publie aujourd’hui nous rappelle cette dure réalité : collectivement, les pays ne parviennent pas à arrêter la croissance des émissions mondiales de gaz à effet de serre. L’écart entre les objectifs et la réalité ne fait que se creuser. Des réductions plus importantes et plus rapides s’imposent maintenant, et les villes peuvent prendre elles-mêmes des mesures pour lutter contre le changement climatique », conclut Rana Adib.
En novembre 2019, près de 1 200 gouvernements et administrations locales de 23 pays avaient déclaré l’état d’urgence climatique. Par ailleurs, près de 10 000 villes ont déjà adopté des objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre, pour lesquels beaucoup sont liés au développement d’énergies renouvelables, note le rapport récemment publié.
Le tout premier bilan mondial de la transition des villes vers les énergies renouvelables
Nombreux sont les pays qui, encore aujourd’hui, imaginent que le développement de systèmes énergétiques 100 % renouvelables nécessitera plusieurs décennies. Pourtant, de nombreuses villes dans le monde s’approvisionnent déjà à 100 % en électricité renouvelable et revoient, désormais, leurs ambitions à la hausse pour éliminer les combustibles fossiles dans le chauffage, le refroidissement, les transports et l’industrie.
Le rapport montre que de plus en plus de villes en Europe se réapproprient l’approvisionnement énergétique, soit en remunicipalisant les entreprises énergétiques ou en en créant de nouvelles. Barcelone Energía, récemment créée pour fournir de l’énergie renouvelable produite sur place aux habitants de la ville et aux installations municipales, n’en est qu’un exemple. En 2000, Barcelone a également été l’une des premières villes européennes à exiger que tous les bâtiments neufs et rénovés utilisent l’énergie solaire pour couvrir a minima 60 % des besoins en eau chaude des bâtiments. Le prochain projet : un réseau de refroidissement solaire qui devrait être bientôt opérationnel.
Les énergies renouvelables pour éviter des millions de morts prématurées
« Le rapport met en avant un point clé : de nombreuses villes ont conscience du fait qu’elles souffrent directement de la combustion des énergies fossiles. Le passage à des systèmes énergétiques efficaces et renouvelables est la seule issue possible », fait remarquer Rana Adib.
La lutte contre la pollution de l’air est l’une des premières motivations. Les particules et autres polluants atmosphériques provenant des combustibles fossiles asphyxient littéralement les villes. Ils mesurent à peine une fraction du diamètre d’un cheveu, mais, selon des études de l’Organisation mondiale de la santé, leur présence au-dessus du ciel urbain est responsable de millions de décès prématurés et coûte des milliards. L’impact sanitaire causé par le seul trafic routier coûtent à l’Union européenne environ 62 milliards d’euros par an.
Ban Ki-Moon, ancien Secrétaire général de l’ONU et Président du Conseil national coréen sur le climat et la qualité de l’air, souligne le lien entre la combustion des carburants fossiles et la santé des populations.
« La consommation in -sou te nable et excessive d’énergie a donné lieu à des niveaux préoccupants de pollution atmosphérique, ce qui en fait la quatrième plus grande menace pour la santé humaine et le plus grand risque sanitaire lié à l’environnement auquel nous sommes confrontés aujourd’hui. Dans ce contexte, la transition vers un modèle énergétique plus propre et plus durable n’est plus un choix, mais une nécessité. Les villes peuvent être le fer de lance des progrès dans la lutte contre la pollution atmosphérique, en mettant en œuvre des politiques novatrices et en incubant les idées les plus innovantes, comme le fait le gouvernement métropolitain de Séoul. Nous avons les moyens nécessaires pour poursuivre la transition énergétique. Tout ce dont nous avons besoin, c’est la volonté politique et institutionnelle de faire de la transition une réalité. »
Comme Seoul, Barcelone, Berlin, Copenhague, Heidelberg, Lisbonne, Londres, Madrid, Paris, Rotterdam, Stockholm et Varsovie se sont toutes engagées à établir, d’ici deux ans, de nouvelles normes de qualité de l’air qui respectent ou dépassent les objectifs nationaux existants. Lors de la signature de la déclaration en octobre, le maire de Copenhague, Frank Jensen, a déclaré : « La pollution atmosphérique est un problème mondial, mais elle a une solution locale. Copenhague veut être la première capitale climatiquement neutre du monde d’ici 2025. Cette année, nous avons mis 400 autobus électriques dans les rues et d’ici l’an prochain, les ferries devraient aussi être électrifiés. Nous voulons que nos citoyens puissent respirer pleinement à tout moment de l’année sans craindre pour leur santé. »
De nombreuses villes de pays en développement précurseurs dans le développement des énergies renouvelables. « Il est clair que les nombreux bénéfices propres aux énergies renouvelables se retrouvent partout à travers le monde », explique Rana Adib. « Mais il y a aussi des particularités locales. Pour les villes dans les pays en développement, l’énergie renouvelable est souvent le seul moyen d’assurer un accès à l’énergie pour tous leurs habitants, en particulier ceux qui vivent dans les bidonvilles et autres quartiers informels ainsi que dans les zones suburbaines et péri-urbaines. »
Le Cap a le taux d’électrification le plus élevé d’Afrique du Sud, mais des milliers de ménages habitent des zones qui ne peuvent être électrifiées parce que les terres sont occupées illégalement ou situées dans des zones inondables ou à accès restreint. Souvent, la pauvreté oblige les ménages à se priver d’électricité pendant une partie du mois. « Bien que les efforts visant à proposer des logements se poursuivent, l’informel reste présent. Les bougies et les poêles à paraffine sont utilisées et des incendies dévastateurs se produisent régulièrement dans les cabanes, causant des morts, des blessés et des déménagements. Les systèmes solaires domestiques sont une alternative sûre et abordable », explique Dan Plato, maire du Cap.
Inger Andersen, Directrice exécutive du Programme des Nations Unies pour l’environnement, estime qu’« en évitant l’épuisement des ressources et la pollution tout en créant des emplois, les énergies renouvelables sont un moteur du développement social et économique, qui relève du bon sens. Au fur et à mesure de l’expansion de nos villes, celles qui s’appuient sur une production importante d’énergie renouvelable prospéreront. »
Les énergies renouvelables rendent les villes résilientes
Les données du rapport révèlent que l’augmentation de la prospérité et du niveau de vie dans les villes entraine une soif insatiable d’énergie. Le rapport de REN21 montre que 70 % des villes à travers le monde sont déjà affectées par les conséquences du changement climatique. « Si les villes ne font rien pour améliorer leur façon de produire et de consommer l’énergie, elles courent à leur propre perte. C’est aussi simple que ça et elles le savent. Et avec plus d’un milliard de personnes dans le monde vivant dans des bidonvilles ou des zones informelles, ce sont les plus pauvres qui seront les plus durement touchés », dit la secrétaire exécutive de REN21. « Même en Europe, les tempêtes tropicales deviendront plus fréquentes. Nous en avons eu un avant-goût lorsque la tempête Leslie a frappé le Nord et le Centre du Portugal avec des vents de plus de 100 km/h et de fortes pluies en Espagne et en France l’an dernier. »
Pour assurer le fonctionnement continu des services de secours, des hôpitaux et des systèmes d’information il est essentiel de maintenir l’approvisionnement énergétique, même lors de tempêtes ou d’inondations. D’ailleurs, le secteur privé investit dans les énergies renouvelables pour éviter les ruptures d’approvisionnement. Les villes mettent en place des systèmes énergétiques basés sur la production d’énergie renouvelable décentralisée. Ceux-ci sont plus flexibles et plus résistants que les réseaux centralisés pour faire face aux aléas climatiques extrêmes dont la fréquence augmente, souligne le rapport.
La participation locale fait la différence
« L’un des avantages des énergies renouvelables est qu’elles donnent aux citoyens la possibilité de participer activement au développement des infrastructures », explique Rana Adib. « Notre rapport montre que ces dernières années, le nombre de projets d’énergie citoyenne renouvelable a considérablement augmenté. La transition énergétique est non seulement motivée par la lutte contre le changement climatique, mais également par la démocratisation de l’énergie. » Le Danemark, l’Allemagne et le Royaume-Uni sont à l’avant-garde de cette évolution. De tels projets commencent aussi à voir le jour dans d’autres parties du monde, notamment en Thaïlande, au Japon et au Canada, note le rapport.
« Les villes ont un rôle décisif à jouer dans la lutte contre le changement climatique aux niveaux national et mondial. Elles peuvent tirer parti d’opportunités que d’autres niveaux de gouvernance ont moins, comme une relation plus directe avec les citoyens et les entreprises locales », note Svenja Schulze, la ministre allemande de l’Environnement, de la Protection de la nature et de la Sécurité nucléaire. « Dans les quatre coins du monde, l’engagement des citoyens et la pression de l’opinion publique ont fait revoir à la hausse les ambitions des villes en matière d’énergies renouvelables, avec des retombées économiques, sociales et environnementales à la clé. »
« Pourtant, il est important de souligner que même les plus grandes villes du monde dotées d’un pouvoir décisionnel très décentralisé ne peuvent en rien se substituer à la responsabilité des gouvernements nationaux de remplir leurs engagements au titre de l’Accord de Paris. Alors que la crise climatique s’intensifie, chacun doit assumer ses responsabilités ».
Le rapport sur la situation mondiale des énergies renouvelables dans les villes 2019 (Renewables in Cities 2019 Global Status Report ou REC-GSR) constitue la première édition d’un bilan annuel de la transition des villes vers les énergies renouvelables à travers le monde. Il met à disposition des données, davantage normalisées, et plus faciles à évaluer et à comparer. « Nous sommes convaincus qu’il s’agit d’un outil important pour documenter les évolutions et les conséquences de la transition vers les énergies renouvelables dans le monde entier », conclut Rana Adib, secrétaire exécutive de REN21.
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