Les découvertes récentes de l’astrophysique, les réflexions philosophiques actuelles sur l’avenir des mondes, les lois de l’évolution revues par l’épigénétique, les progrès irréversibles des sciences cognitives et de l’intelligence artificielle, nous amènent à reformuler une pensée cosmologique nouvelle bien éloignée du géocentrisme aristotélicien ou des mythes religieux qui ont bercé l’enfance de l’humanité.
Pour ne prendre qu’un exemple, la tradition primordiale, vantée par tous les ésotérismes, n’est rien d’autre, selon moi, qu’une règle de bon sens auto-forgée par notre espèce au cours des âges pour survivre. Selon le principe bien connu du « gène égoïste » ont prospéré en effet les clans qui lui assuraient la plus grande longévité : ceux qui vivaient en paix. Le « Tu ne tueras pas » des Tables de la Loi trouve son explication dans le pavé mosaïque (si bien nommé) où, certes, chaque case blanche est cernée de cases noires, mais où chaque case noire est immédiatement encerclée de cases blanches qui élimineront sans pitié celui qui nuit à la survie de l’espèce.
Faut-il un exemple : la mobilisation mondiale contre le fascisme hitlérien !
La présence de la vie sur notre planète, dans notre système solaire, au sein de notre galaxie est sans doute unique car pour que naisse la vie, il a fallu que les molécules élémentaires issues de la soupe primitive, sur la planète Terre, quatre milliards d’années après la naissance de notre Univers et après d’innombrables essais infructueux, réussissent à s’entrechoquer, entraînées par le mouvement brownien, de manière telle que l’incidence de ces chocs donnent naissance à des molécules nouvelles plus complexes qui de proche en proche aboutiront à la formation d’acides aminés, unités de base de nos acides nucléides. Une telle probabilité était tout simplement infime ! Imagine-t-on un joaillier lancer en l’air mille pièces métalliques constitutives d’une montre de précision les voir retomber ensemble et s’emboîter spontanément les unes aux autres pour donner une montre fonctionnant parfaitement ?
Des milliards de milliards d’essais ont été nécessaires sur des milliards de planètes appartenant à des milliards de galaxies de notre Univers pour que l’inattendu arrive. Mais il s’est produit, un jour, sur la planète Terre et vraisemblablement nulle part ailleurs, tant l’événement était improbable. Des molécules autocopiantes sont apparues, notre ADN, communes dans leur structure à tous les êtres vivants, bactéries, virus, végétaux et animaux, ne différant les unes des autres que par le nombre et la complexité des gènes (le génome de la souris est un tout petit peu plus petit que le nôtre, mais 99 % de ses gènes sont homologues aux gènes humains).
Chaque jour les limites connues de notre univers reculent, mais que représentent-elles vis-à-vis de l’infini ? Et qu’est-ce que 13,5 milliards d’années dans l’échelle des temps ?
Des milliards d’autres univers sont sans doute présents simultanément ou successivement dans l’infinité de l’espace, les « Big Crunches » des uns succédant peut-être aux « Big Bangs » des autres, dans une course elle-même sans borne temporelle ou spatiale.
Nous mesurons alors notre terrible inconsistance, et nous savons bien qu’à l’instar des dinosaures, disparus il y a 60 millions d’années, notre extinction ne tient peut-être qu’à un fil : une nouvelle percussion imprévisible d’un astéroïde avec la Terre qui plongerait à nouveau celle-ci pour des années dans l’obscurité, faisant (presque) disparaître toute forme de vie.
Cela s’était déjà produit au Permien, il y a 250 millions d’années, lorsque des éruptions volcaniques géantes (les trapps de Sibérie) avaient fait disparaitre 70 % des espèces terrestres (permettant paradoxalement l’apparition des dinosaures et leur essor jusqu’au cataclysme du Yucatan) et faut-il le rappeler, un astéroïde de la taille d’une maison est passé le jeudi 2 octobre 2017 à « seulement » 44 000 kilomètres de la Terre !
Heureusement, contrairement à nos prédécesseurs sauriens, nous savons aussi que l’évolution nous a dotés pour l’instant, de 83 milliards de neurones nourris par 1 000 milliards de cellules de la glie qui nous donnent la chance de subsister face à un environnement hostile. Espérons que demain elle permettra à nos descendants de coloniser tout le système solaire puis toute la galaxie comme nous avons pu le faire de la Terre, si les conditions environnementales ou les risques de collisions interstellaires l’exigeaient.
Cependant, nous savons aussi que notre espèce a la capacité de s’autodétruire et que l’individualisme des puissants, l’égoïsme des nantis, l’incapacité des politiques à prévoir au-delà de leur prochaine réélection, l’impuissance de l’ONU à régler les conflits armés soigneusement entretenus par des intérêts inavouables font craindre, malgré quelques remarquables exceptions, le risque d’une disparition de l’espèce humaine.
Les 62 personnes les plus riches du monde possèdent plus que les 3,6 milliards d’humains les plus pauvres. La moitié de l’humanité vit avec moins de 5 dollars par jour et c’est parmi eux que les guerres créent les plus grandes migrations de la peur et de la faim que nos pays développés cherchent à endiguer par des murs dérisoires !
Pour un Bill Gates qui, en sacrifiant 90 % de sa fortune, a donné plus du double de l’OMS à la santé africaine, combien d’autres se complaisent dans des dépenses somptuaires bien inutiles sans voir la nouvelle nuit du 4 août, mondiale cette fois, qui se profile à l’horizon ? Si l’espèce humaine devait disparaître, ce ne serait rien d’autre, à l’échelle infinie des univers, que l’occasion donnée à une nouvelle espèce, arthropode par exemple, de disposer à son tour de l’espace et du temps nécessaire à son évolution, comme ce fut le cas pour nous, grâce à la disparition des dinosaures. Et si la Terre explosait, anéantissant d’un coup toutes les espèces vivantes, alors, sur d’autres exoplanètes d’autres galaxies les chocs moléculaires incessants de substances primitives qui s’y déroulent comme chez nous aujourd’hui, finiraient peut-être par donner naissance un jour à une nouvelle forme de vie, c’est-à-dire à des molécules autocopiantes capables de s’organiser !
Nous ne sommes que des passeurs de relais et nous devons nous en contenter. Si les développements de nos capacités cognitives apparaissaient grâce aux progrès du génie génétique, si l’augmentation de nos potentialités devenait possible grâce à des implants cérébraux ou autres chimères homme-machine, si nos descendants au siècle prochain réussissaient à domestiquer l’IA forte, alors l’humanité pourrait se libérer de la Terre et coloniser si besoin était le système solaire et au-delà avant une éventuelle destruction de celle-ci.
On peut même imaginer qu’un jour, sur une exoplanète improbable d’une autre galaxie, un groupe d’humains qui n’aurait de commun avec nous que de descendre du même phylum d’origine terrestre se trouverait confronté après une phase d’expansion accélérée de notre univers à une phase de contraction gravitationnelle dont il devinerait évidemment l’inévitable issue : un « Big Crunch » !
Ces lointains descendants pourraient alors migrer dans un autre univers, s’il existe, afin de poursuivre dans un ailleurs indéfinissable l’incroyable aventure commencée sur Terre il y a 4 milliards d’années. Et si ces autres univers n’existent pas, alors il ne resterait à l’espèce humaine arrivée au terme de son évolution dans un monde finissant qu’à tenter de programmer un nouveau « Big Bang » à partir duquel dans des temps immémoriaux pourrait recommencer comme ce fut peut-être le cas dans un lointain passé la stupéfiante aventure de la vie.
L’éclat infini de Lumière d’un nouveau « Big Bang » aurait-il alors quelque chose de commun avec la Lumière du Logos (En Lui était la vie et la vie était la Lumière des Hommes) faisant de l’humanité qui viendrait de disparaître le Démiurge d’un nouveau monde ? Avant que tout ne recommence…
Pierre Chastanier