Comme tout autre secteur, la route ne peut échapper aux impératifs de la transition écologique. Aussi, la tâche d’offrir à tous un accès à des infrastructures vertes passe par la définition et l’application d’une politique durable de mobilité.
La route française représente 87 % des déplacements de voyageurs et 89 % des transports de marchandises. En outre, son réseau s’étend sur plus de 1,1 million de kilomètres. C’est l’un des leviers majeurs de la transition écologique. Cette même route est aussi créatrice de richesses. En 2017, elle a permis de dégager près de 45 milliards d’euros* issus de recettes fiscales spécifiques pour la nation : taxes sur les carburants, les assurances, les immatriculations, etc. Malheureusement, ces recettes ne payent pas la route : depuis plusieurs années son financement se heurte à la rareté croissante des fonds publics. L’entretien et la maintenance des infrastructures routières, indispensable tant à leur durabilité et leur performance qu’au déploiement à l’horizon 2030 de la « route de 5e génération », doivent faire l’objet d’un budget fléché et dédié.
Si une partie de ces recettes fiscales ne peut être affectée à cet effet, nous proposons au gouvernement de procéder à une autorisation d’endettement à hauteur de 10 milliards d’euros accordés à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) pour la période 2020-2031. Également affectée à l’AFITF, nous suggérons la mise en place d’une « contribution mobilité durable » qui se substituerait progressivement aux péages actuels, à l’échéance des contrats de concessions autoroutières, soit à partir de 2032, pour un montant équivalent payé par les usagers. Cette mesure concrète permettrait non seulement de donner une perspective à long terme des capacités de financement de la route, mais aussi d’en redéployer la ressource à l’ensemble des modes de transports, pas seulement sur le réseau autoroutier, pour assurer une politique durable des mobilités de demain. Enfin, il nous semble essentiel que ces mesures puissent s’insérer dans un cadre plus large, celui d’un plan national d’adaptation des infrastructures au changement climatique.
Collectivités, concessionnaires, industriels, entreprises prestataires… l’ensemble des acteurs de la route, du transport et des mobilités routières doivent s’engager dans cette voie. Cela passe notamment par le recours à des matériaux non fossiles (par exemple des liants bitumeux issus de matières végétales), l’utilisation des bas-côtés pour la production d’énergies renouvelables (solaire en particulier), le développement de comportements durables allant du recyclage des matériaux lors de constructions nouvelles à l’utilisation des ressources locales afin de limiter les transports. Mais également la généralisation en milieu urbain de systèmes interconnectés de feux tricolores à LED afin de favoriser le feu vert comme « récompense », poussant ainsi les automobilistes à adapter leur vitesse et donc réduire leurs émissions de CO2. Citons encore la construction de dispositifs d’aide au franchissement des routes pour la faune sauvage ou de voies permettant la collecte de l’eau souillée au contact des infrastructures.
En outre, n’hésitons pas à nous inspirer de bonnes idées développées dans d’autres pays. Multiplions par exemple les expérimentations visant à réduire les îlots de chaleur dans les villes, comme à Los Angeles où certaines routes ont été peintes d’une couleur claire afin qu’elles réfléchissent la lumière et emmagasinent moins la chaleur du soleil. Luttons contre la pollution de l’air, comme à Mexico où sont installés des murs végétaux sur certains tronçons du réseau périphérique pour capter le dioxyde de carbone.
Nous disposons actuellement de tous les outils nécessaires à la mise en place d’une véritable politique de verdissement des infrastructures et du transport routiers. Certains existent depuis longtemps tels que l’ouvrage Qualité de la vie et centre-ville, écrit en 1975 par Roger Klaine et préfacé par Jean-Marie Pelt, tous deux fondateurs de l’écologie urbaine et de l’Institut européen d’écologie. Les auteurs y présentent leur vision d’une ville organique, irriguée par ses rues, axes et parcours, un écosystème vivant et dynamique, organisé à l’image de la société. Une pensée fondatrice qui nous permet d’aborder la route non comme un environnement figé, mais un espace à reconquérir pour assurer une transformation vertueuse tant de sa conception que de ses usages. Cette manière de voir permet d’envisager une conception globale de l’aménagement, urbain et territorial, au regard des enjeux actuels et auxquels doit répondre la transition écologique des infrastructures de transport routier.
Julien Vick
*Sources : Service de la donnée et des études statistiques (SDES), Comité professionnel du pétrole (CPDP), Fédération française de l’assurance (FFA), Comité des constructeurs français d’automobiles (CCFA), calculs et estimations de l’Union routière de France (URF).