Transition énergétique : l’heure de la sobriété, des choix énergétiques et de la production locale est arrivée pour les territoires

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L’exemple de la métropole européenne de Lille

Si la France a réussi à réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) de 19 % entre 1990 et 2018, beaucoup reste à faire pour atteindre l’objectif de neutralité carbone d’ici 2050 récemment adopté par le Parlement.

La lutte contre le réchauffement climatique concerne directement les collectivités territoriales, qui influencent, à travers l’exercice de leurs compétences (aménagement, urbanisme, développement économique, mobilité, énergie, habitat ou déchets ménagers) plus de la moitié des émissions nationales de GES. Les collectivités territoriales, et notamment les intercommunalités, ont ainsi un rôle essentiel à jouer dans l’atteinte des objectifs nationaux en termes de réduction des consommations d’énergie et des émissions de GES.

Dans ce contexte, la loi de transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) a renforcé le rôle des intercommunalités et les positionnant comme les coordinateurs de la transition énergétique sur leur territoire autour d’un nouveau cadre stratégique, le Plan climat-air-énergie territorial (PCAET).

Les PCAET sont des projets construits avec les acteurs du territoire (entreprises, associations, citoyens…) qui portent à la fois la stratégie et les plans d’action en termes de développement durable. Ils doivent prendre en compte l’ensemble de la problématique climat-air-énergie autour de plusieurs axes d’actions :

  • La réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) ;
  • L’adaptation au changement climatique ;
  • La sobriété énergétique ;
  • La qualité de l’air ;
  • Le développement des énergies renouvelables.

La mise en place des PCAET est confiée aux Établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre de plus de 20 000 habitants. Pour les collectivités notamment urbaines, les défis à relever sont nombreux :

  • Contribuer aux efforts internationaux et nationaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre et donc des consommations d’énergie, afin de limiter la survenue du réchauffement climatique, phénomène global qui affecte tous les territoires ;
  • Préparer et protéger la population des conséquences inéluctables d’un réchauffement dont on voit et sent déjà les effets (canicules, évènements météorologiques extrêmes, qualité et quantité des ressources en eau, pertes de productions agricoles, dégradation de la biodiversité…) ;
  • Améliorer durablement la qualité de l’air, principalement dégradée par le chauffage et les déplacements, et qui a un impact majeur sur la santé et la qualité de vie des habitants.

    Sur la base d’un diagnostic territorial et en fonction des caractéristiques, des atouts, des faiblesses, une stratégie à la fois ambitieuse, mais aussi réaliste, car s’appuyant sur des objectifs et des moyens chiffrés, doit se mettre en place. C’est ce que la Métropole européenne de Lille (MEL) a fait dans le cadre de son PCAET voté le 13 décembre 2019 en votant une stratégie audacieuse qui repose sur trois grandes finalités en matière de politique climat-air-énergie aux horizons 2030 et 2050 :
  • Une transition énergétique devant amener le territoire à une neutralité carbone d’ici 2050 ;
  • Une transition du territoire équilibrée et solidaire, reposant sur la mobilisation et la participation de toutes les parties prenantes et veillant à ne pas creuser les inégalités sociales ;
  • Une transition menant à un territoire plus résilient face aux diverses conséquences du changement climatique, permettant ainsi de préserver et même d’améliorer la qualité de vie des habitants. Une attention particulière sera notamment portée aux déterminants de santé environnementale.

Cette ambition s’appuie sur une démarche originale et unique en France de doter la MEL d’un budget climatique. Première étape vers la réalisation de ce budget, les élus ont adopté au conseil d’octobre 2019 la méthode de travail relative à sa construction. Le budget climatique de la MEL sera mis en œuvre au cours de l’exercice 2021.

À l’heure où la lutte contre le changement climatique et le développement durable sont des préoccupations majeures, l’objectif du budget climatique est de venir enrichir les éléments financiers relatifs aux projets et politiques publiques présentés dans le budget par un volet permettant d’appréhender leur impact climatique. Ainsi, chacun pourra mesurer de quelle manière les dépenses et en particulier les investissements participent à atteindre les objectifs nationaux et internationaux de limitation du réchauffement climatique et ainsi répondre aux objectifs qui seront fixés par le Plan climat-air-énergie territorial. C’est un outil d’aide à la décision. C’est un changement de modèle que nous proposons d’engager sur le territoire.

Une métropole sobre et visant la neutralité carbone en 2050

La MEL se fixe un objectif de sobriété énergétique en vue de tendre vers une neutralité carbone d’ici 2050. La sobriété énergétique signifie une réduction importante des consommations d’énergie. Elle doit intervenir en amont des efforts d’efficacité énergétique et de décarbonation du mix énergétique. La MEL vise un objectif de réduction de 16 % des consommations d’énergie d’ici 2030 et de 39 % d’ici 2050 (par rapport à 2016).

La neutralité carbone implique une réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre. Comme indiqué dans le scénario énergétique retenu, la MEL vise un objectif de réduction des émissions de GES de 32 % en 2030 et de 86 % en 2050 (par rapport à 2015, soit -45 % en 2030 et -89 % en 2050 par rapport à 1990).

De telles réductions des consommations d’énergie et des émissions de gaz à effet de serre nécessitent d’agir sur les secteurs d’activité les plus consommateurs d’énergie et les plus émetteurs de GES, à savoir les déplacements, les bâtiments (résidentiels et tertiaires) et les activités industrielles.

La politique énergétique devra également favoriser le développement de la production locale d’énergies renouvelables et un approvisionnement des réseaux de distribution d’énergie (électricité, gaz, réseaux de chaleur) par des énergies renouvelables ou de récupération. La MEL se propose ainsi de conclure des contrats d’objectifs avec les entreprises ou fédérations d’entreprises des secteurs les plus consommateurs d’énergie, tant pour la réduction des consommations que pour le déploiement des EnRR. Un autre levier d’action important concerne l’aménagement du territoire et l’urbanisme, en raison du lien entre la répartition territoriale des activités (logements, bureaux, loisirs) et les besoins de déplacements générés. Notre développement devra aussi – et c’est une nouveauté – tenir compte de notre capacité à produire et distribuer une énergie décarbonée et renouvelable.

«  Dis-moi combien d’énergie tu as besoin pour développer ton projet et je te dirai comment et quand je te raccorde ». Depuis des décennies la question énergétique dans l’aménagement est abordée de manière unilatérale en partant des besoins nouveaux de l’aménagement vers le distributeur et le producteur d’énergie. Bilan  : des réseaux d’énergie souvent surdimensionnés et au final sous-utilisés avec le sentiment que le système énergétique global pourra toujours fournir l’énergie demandée.

Ce monde est en train petit à petit de changer, car son modèle économique est remis en cause avec la disparition progressive et annoncée des énergies fossiles, un coût de l’énergie qui augmente, le développement des énergies locales et donc la nécessité de diminuer fortement nos consommations. L’heure de la ville sobre et auto-suffisante est arrivée !

« Je te dis de combien et de quelles énergies je dispose sur le territoire et tu adapteras ton projet en conséquence ». C’est demain le nouveau paradigme dont les aménageurs devront intégrer pour construire leurs projets. Sobriété énergétique et économie d’énergie, choix énergétique en fonction des disponibilités locales, maximisation de la production locale, optimisation des infrastructures de distribution et réseaux d’énergie intelligents. L’heure de la ville intelligente et résiliente arrive enfin !

Par ailleurs, si la MEL est en mesure, à travers la mise en œuvre de ses compétences, d’agir directement sur les émissions directes produites sur son territoire, il lui est plus difficile d’agir sur les émissions dites importées, c’est-à-dire associées à la fabrication et à l’acheminement de produits provenant de l’extérieur de son territoire. Ainsi, les émissions importées associés notamment aux biens de consommation et aux ressources alimentaires provenant de l’extérieur de nos territoires représentent plus du double des émissions directes du territoire. Pour réduire ces émissions importées, il faut agir sur les modes de consommation et de production, de façon à réduire les achats de biens à l’extérieur du territoire. La MEL s’inscrit dans la dynamique engagée depuis 5 ans dans les hauts de France autour du concept de 3e révolution industrielle (REV’3) qui vise à muter notre modèle économique vers un modèle autour de l’économie circulaire.

Axe stratégie 2  : une métropole solidaire, impulsant une transition reposant sur la mobilisation et la participation de tous

L’atteinte d’objectifs ambitieux en termes de réduction des consommations d’énergie, des émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques ne sera pas possible à travers la seule mise en œuvre des politiques portées par les collectivités.

L’atténuation de l’impact climatique du territoire nécessite une mobilisation et une participation de l’ensemble des acteurs du territoire  : communes, entreprises, citoyens, monde académique. Aussi il est essentiel d’associer l’ensemble de ces acteurs à la mise en œuvre d’actions en faveur de climat et de la qualité de l’air. D’ailleurs, nombre de communes, d’entreprises et d’associations de la société civile se sont d’ores et déjà saisies de ces enjeux et mènent des actions.

L’enjeu des années à venir est donc bien de massifier et systématiser la mobilisation tant des communes que du monde économique et de la société civile autour des enjeux climat-air-énergie.

À cette fin, la MEL a déjà déployé de nombreux dispositifs d’accompagnement, qu’il s’agira de développer dans les années à venir. En ce qui concerne les communes, la MEL propose d’ores et déjà des services mutualisés de conseil en énergie partagé et de valorisation des certificats d’économies d’énergie, ainsi que des fonds de concours en faveur de la rénovation thermique des bâtiments communaux ou de la production d’énergies renouvelables.

L’accompagnement des citoyens dans la transition énergétique et écologique est également essentiel afin de systématiser des comportements plus durables en termes de mobilité, d’habitat ou de consommation.

La MEL s’attachera par ailleurs à travailler de façon plus étroite avec le monde académique, de façon à mieux utiliser les connaissances scientifiques récentes dans l’élaboration de sa politique climatair-énergie. Cette collaboration pourra prendre place dans le cadre d’un conseil scientifique associant la MEL et différents projets de recherche d’envergure métropolitaine ou régionale.

Par ailleurs, la gestion des enjeux climat-air-énergie nécessite d’être prise en compte dans les relations et conventions de coopération avec les territoires voisins ou transfrontaliers.

La mobilisation de l’ensemble des parties prenantes implique également de renforcer et élargir la gouvernance du Plan climat, et de travailler avec l’ensemble des communes, entreprises, universités, associations et citoyens souhaitant s’engager sur les enjeux climatiques au niveau métropolitain. Il sera ainsi proposé de compléter les instances de gouvernance actuelles, comité de pilotage et comité partenarial avec une nouvelle instance, le comité citoyens, dont le rôle et le fonctionnement seront imaginés de façon participative.

Axe stratégique 3 : une métropole à santé positive, résiliente au changement climatique et favorable à une meilleure qualité de vie

Les collectivités et notamment les métropoles devront aussi s’adapter et se préparer aux conséquences du réchauffement climatique sur leur territoire, bien que celles-ci restent difficiles à anticiper de façon précise. Dans un contexte incertain, une approche de gestion des risques climatiques semble donc nécessaire, afin d’une part de mieux caractériser ces risques et d’autre part de mieux y répondre lorsqu’ils se présenteront, dans une perspective de préservation de la continuité des activités du territoire.

Le développement significatif de l’eau et de la nature en ville est également un aspect incontournable d’une plus grande résilience du territoire, pour faire face notamment à l’augmentation des vagues de chaleur, mais également afin d’améliorer la qualité de l’air et la qualité de vie des métropolitains.

La préservation de la ressource en eau et de la qualité de l’air sont deux autres priorités essentielles pour la MEL, ainsi que, de façon plus générale, la prise en compte des déterminants de santé environnementale, notamment dans le cadre de la politique de santé environnementale adoptée en juin 2019 par la MEL.

Erwan Lemarchand

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